25 - 26 - 27 mars 2025
Porte de Versailles - Hall 4

ELOBIO, un projet de recherche ambitieux pour une production d’hydrogène « vert » !

VALORISATION | par Maryvonne Haslé de La Gazette du Laboratoire | Octobre 2023

Consortium européen, coordonné par IRCELYON (l’Institut de recherches sur la catalyse et l’environnement de Lyon), ELOBIO a été lancé le 1er janvier 2023 pour un projet de recherche visant à contribuer à la décarbonation de l’hydrogène. L’idée est de tester une production d’hydrogène vert à partir de biomasses (résidus agricoles ou forestiers, par exemple), des énergies renouvelables (éoliennes, photovoltaïques…) et en utilisant moins d’énergie que l’électrolyse de l’eau. Le procédé produirait de l’hydrogène mais aussi des molécules plateformes utiles pour l’industrie. 

L’hydrogène est un excellent candidat pour une alternative aux énergies fossiles ! L’Europe et la France misent sur cette solution pour soutenir la transition énergétique et atteindre la neutralité climatique d’ici 2050. Cependant, 95% de la production d’hydrogène nécessite actuellement elle-même des énergies fossiles. L’électrolyse « casse » la molécule d’eau, pour obtenir d’un côté de l’hydrogène (H2) et de l’autre de l’oxygène (O2). Or, côté bilan énergétique, le constat de cette transformation est que la partie oxydation coûte très cher en énergie (thermodynamique) et que l’oxygène produit est peu valorisé.

Produire de l’hydrogène vert

De gauche à droite : Philippe Vernoux, Mathieu Prévot, Itzcoatl Rafael Garduno Ibarra, Manon Poully et Jesus Gonzalez-Cobos - © CNRS

Philippe Vernoux, universitaire de Lyon 1, a effectué une licence en chimie physique avant un Master en Catalyse et une thèse sur les piles à combustibles haute température pour la production d’électricité à l’institut national polytechnique de Grenoble. Après son Postdoctorat à Paris à l’Ecole de chimie industrielle, il intègre le LACE (Laboratoire d’application de la chimie à l’environnement), qui a fusionné en 2007 avec l’Institut de recherches sur la catalyse pour donner naissance à l’IRCELYON.

Philippe Vernoux dirige, au sein de l’IRCELYON, l’équipe CARE (Catalyse et réactivité atmosphérique pour l’environnement), qui s’intéresse à tous les procédés permettant de dépolluer et à la chimie de l’air.

L’équipe se positionne au croisement de nombreux problèmes sociétaux majeurs liés aux ressources en eau, à la valorisation des déchets, à la qualité de l’air et au changement climatique. Ses recherches fondamentales et appliquées sont basées sur la mise en commun de fortes spécificités, associées à un parc analytique innovant et performant, pour caractériser, éliminer et valoriser les polluants. A l’interface entre sciences de l’environnement, catalyse hétérogène, chimie analytique et électrochimie, l’équipe CARE propose des développements de méthodes novatrices de remédiation (photocatalyse, promotion électrochimique de la catalyse…), de couplage de procédés (catalyse-photocatalyse, catalyse-électrochimie, …), d’analyse chimique (spectrométrie de masse haute résolution) ainsi que l’étude des processus atmosphériques.

Depuis 5 ans, l’équipe CARE s’intéresse à l’électrolyse pour produire de l’hydrogène vert provenant d’une source décarbonée. Son but est de contribuer à la recherche sur la décarbonation du futur dans l’optique de remplacer le pétrole (objectifs européens et mondiaux). Les scientifiques ont donc réfléchi à un autre type d’oxydation, en utilisant en électrolyse des matières provenant de la biomasse ou de déchets. Ils ont démarré par des déchets de polymères (plastique). L’électrolyseur réduit l’eau en hydrogène et pour l’oxydation, c’est une molécule organique qui va être oxydée vers une molécule plateforme sans produire de CO2.

L’équipe CARE s’est intéressée aux ressources renouvelables issues de la biomasse, comme le glucose. En effet, lorsque l’on utilise du glucose à la place de l’eau, d’un point de vue énergétique, le gain est important. Il faut 1,23 volts à température ambiante pour « casser » l’eau en temps normal, avec le glucose, on est à 0,1 volt.

Un consortium avec des partenaires complémentaires    

La spécialité d’IRCELYON, le développement de catalyseurs, est à l’origine du projet Elobio, qui a été initié en 2021, avec le recrutement de partenaires européens dans différentes spécialités lors d’un appel à projets. L’objectif est de réaliser une électrolyse sélective, permettant de décomposer la biomasse de manière maîtrisée, en développant des électrocatalyseurs performants et durables et en optimisant les performances via des procédés d’électrolyse assistée par des ultrasons ou encore des champs magnétiques.

ELOBIO regroupe un consortium de chercheurs issus de trois laboratoires français du CNRS (IRCELYON, LCH-Laboratoire de chimie (CNRS / ENS de Lyon), IC2MP-Institut de Chimie des Milieux et Matériaux de Poitiers (CNRS / Université de Poitiers), de deux institutions allemandes (Institut de technologie de Karlsruhe, Institut de technologie chimique Fraunhofer), de deux universités espagnoles (Université de Castille - La Mancha et Université polytechnique de Madrid) et d’un institut de recherche néerlandais (DIFFER - Institut néerlandais de recherche fondamentale sur l'énergie).

Ce consortium offre donc un large éventail d’expertises : science des matériaux, électrocatalyse, génie chimique, étude à l’échelle de l’atome et modélisation à l’échelle macro jusqu’à l’analyse du cycle de vie des matériaux utilisés. Philippe Vernoux est le coordinateur du projet Elobio. Il a mis en place un bureau exécutif avec un membre de chaque laboratoire partenaire. Le CNRS gère l’administratif, les finances et la communication du consortium.

ELOBIO est financé par l’EIC (European Innovation Council) sur 4 ans dans le cadre de l’appel Pathfinder Challenge « Nouvelles voies pour la production d’hydrogène vert ». Le projet a débuté en janvier 2023 et l’objectif est de faire la preuve du concept à l’échelle du laboratoire. 

Les objectifs et ambitions d’Elobio    

IL s’agit avant tout de démontrer que l’électrolyse de biomasse, dans sa globalité « de la biomasse à l’hydrogène », est possible d’un point de vue technique, technologique et a un intérêt environnemental et économique (recyclage, durabilité, viabilité).

Cellule électrochimique pour l’étude de l’électrolyse et courbes de résultats - © CNRS

Cellule électrochimique à 3 électrodes pour l’étude de l’électrolyse - © CNRS

L’objectif concret est de produire de l’hydrogène vert à partir de déchets de biomasse, de résidus de forêt et de résidus agricoles, qui sont actuellement partiellement transformés dans des raffineries.

La bioraffinerie va produire des molécules de type glucose et furaniques qui ne sont pas très bien valorisées aujourd’hui. Le projet Elobio souhaite les utiliser dans ces électrolyseurs, avec un compartiment hydrogène et un compartiment effectuant une électrolyse sélective pour obtenir des molécules plateformes à partir de molécules biosourcées, que tous les chimistes pourront utiliser pour produire des matériaux différents, dont le bioplastique « vert », alternative au pétrole.

Elobio exclue l’utilisation de matériaux critiques (ressources mondiales faibles ou bien des matériaux très utilisés comme le Cobalt), ni de métaux nobles ou précieux, ni de perfluorés (difficilement recyclables).

Les chercheurs s’intéressent donc au fer, cuivre et surtout au nickel. Il se trouve que les pérovskites permettent de développer des catalyseurs performants à base de nickel.

Les chercheurs vont donc effectuer de la synthèse de matériaux à l’échelle de quelques grammes, des tests et du screening pour sélectionner quelques matériaux pouvant fonctionner avec ce procédé. Il s’agit de déterminer quelles sont les performances visées, avec quels matériaux, et quelle quantité utiliser. Le but étant d’aller vers un prototype d’électrolyseur de laboratoire pour démontrer, qu’à l’échelle laboratoire, il est possible d’atteindre des objectifs de performance compatibles avec les objectifs européens en termes de production d’hydrogène.

Le prototype devrait être prêt d’ici 3 ans, puis des tests seront effectués avant de rechercher des partenaires industriels. Le prototype industriel est prévu aux alentours de 2035 pour une mise sur le marché en 2040. Le marché ciblé est celui des électrolyseurs imbriqués dans des bioraffineries, pour la fabrication d’hydrogène vert sur site. A terme, les bioraffineries pourraient alors fabriquer elles-mêmes les molécules plateformes.

Les membres du consortium se réunissent régulièrement, ce qui permet d’identifier des points de synergie et de favoriser les collaborations.

Réunion de travail du projet Elobio, avec de gauche à droite : Mathieu Prévot, Itzcoatl Rafael Garduno Ibarra, Philippe Vernoux, Jesus Gonzalez-Cobos et Manon Poully - © CNRS

Le consortium souhaite désormais impliquer le plus de partenaires extérieurs possibles, constituer un conseil scientifique et stratégique pour la participation de spécialistes de l’hydrogène et de l’énergie, pour élaborer un plan d’exploitation à terme.

Le projet Elobio va se poursuivre jusque fin 2026. Il fait partie du projet thématique « Production hydrogène vert », l’un des 8 projets thématiques lancés au niveau européen, qui relèvent tous du même défi : atteindre les objectifs de la politique européenne en matière d’énergie décarbonée.

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