25 - 26 - 27 mars 2025
Porte de Versailles - Hall 4

Focus sur l’équipe « Physiologie intégrative des interactions hôte-microbes » de l’IGFL

MÉTIER | par Maryvonne Haslé de La Gazette du Laboratoire | Octobre 2023

Cette équipe (CNRS/ENS de Lyon) de l’Institut Génomique fonctionnelle de Lyon (IGFL), dirigée par François Leulier, étudie la compréhension du lien entre les paramètres environnementaux (nutrition et micro-organismes) et les paramètres physiologiques (croissance), qui, ensemble, façonnent la physiologie animale. Elle développe des approches précliniques très fonctionnelles, pour comprendre les aspects moléculaires et cellulaires chez les bactéries et chez l’animal (drosophile et souris). 

François Leulier, un expert en génétique 

François Leulier - © Vincent Moncorgé

Généticien de formation, François Leulier a effectué sa thèse de doctorat sur le modèle drosophile, en étudiant les interactions hôte-pathogène et l’immunité innée. Après un post-doctorat à Londres, il est revenu en France au sein d’une équipe CNRS, pour étudier les bases génétiques de ces interactions. Assez rapidement, il s’est intéressé au rôle des bactéries commensales (non pathogènes) et des lactobacilles en particulier, présents dans l’intestin de nombreux animaux, notamment la drosophile. A Marseille, Il a étudié leur impact délétère sur la physiologie animale et leur rôle potentiellement bénéfique. Ensuite, il a créé l’équipe « Physiologie intégrative des interactions hôte-microbes » à l’ENS de Lyon en 2012, au sein de l’Institut de Génomique fonctionnelle de Lyon (IGFL/CNRS UMR5242). Il a reçu la médaille de Bronze CNRS en 2012 et le prix jeune chercheur Sanofi-Institut Pasteur en 2017. Depuis 2021, François Leulier est le directeur de l’IGFL.

A ses débuts, l’équipe « Physiologie intégrative des interactions hôte-microbes » a travaillé sur des approches de génétique concernant le rôle des bactéries commensales sur la croissance, à l’aide du modèle drosophile (génétique de l’animal, génétique drosophile et génétique bactérienne). Depuis quelques années, les chercheurs travaillent aussi sur le modèle de la souris.

En effet, les premiers mécanismes ont été déchiffrés chez les drosophiles (rôle paroi bactérienne notamment) et ces résultats ont mené à des tests chez la souris, un mammifère. Depuis 2010, François Leulier a établi une collaboration avec Martin Schwarzer de l’Académie des sciences de République Tchèque. Celui-ci est venu travailler à Lyon quelques années au sein de l’équipe pour la transposition des hypothèses et des résultats obtenus chez la drosophile vers la souris, avant de rentrer en République Tchèque. 

Des découvertes scientifiques récentes publiées dans Science !    

Plus récemment, les chercheurs de l’équipe ont développé un modèle pré-clinique de souris décrivant l’impact d’une nutrition appauvrie en protéines sur la croissance juvénile. Ils ont testé le rôle des bactéries (Lactiplantibacillus plantarum (LpWJL) qui avaient déjà été identifiées/testées sur la drosophile. Initialement isolée de l’intestin de drosophile, cette bactérie est utilisée comme modèle d’étude – elle appartient à la famille des lactobacillaceae et est fortement représentée dans les microbiotes intestinaux de la souris et de l’homme. Cette souche LpWJL a des effets très importants sur la croissance de la souris lorsqu’elle est utilisée comme probiotique. Le but de ces recherches est d’utiliser des interventions microbiennes pour restaurer ou améliorer une dynamique de croissance chez l’animal. Les effets similaires sur la croissance entre la drosophile et la souris permettent d’émettre une hypothèse sur des effets semblables chez l’homme. A noter que l’impact de la sous nutrition sur la physiologie est encore actuellement un sujet peu étudié.

L’étude parue en février 2023 dans la revue Science, a été menée par une équipe internationale dirigée conjointement par François Leulier et Martin Schwarzer. Cette étude préclinique a identifié l’un des mécanismes par lequel la bactérie Lactiplantibacillus plantarum (LpWJL) agit sur la croissance de souriceaux en sous-nutrition après le sevrage (phase de développement post-natal correspondant à la fin de l’alimentation par le lait maternel et au début de l’alimentation autonome). En France, ont également participé à cette étude des scientifiques du laboratoire Microbiologie intégrative et moléculaire (CNRS/Institut Pasteur), de l’Institut Micalis (Inrae/Agroparistech/Université Paris-Saclay), du laboratoire Physiologie cellulaire (Inserm/Université de Lille), du laboratoire Carmen (Inserm/Inrae/Université Lyon Claude Bernard Lyon 1), du Service de gastroentérologie, hépatologie et nutrition pédiatriques des Hospices civils de Lyon. A l’étranger, ces recherches ont impliqué l’Académie des sciences de République tchèque et l’European Molecular Biology Laboratory (Allemagne).

Le but est d’identifier les mécanismes moléculaires et cellulaires par lesquels cette bactérie confère un bénéfice sur la croissance. La publication montre la présence de la bactérie et de ses composants qui vont être reconnus par les récepteurs cellulaires chez la souris, exprimés dans l’épithélium intestinal (récepteur NOD2). Par des approches génétiques chez la souris, les chercheurs ont ainsi démontré que le récepteur NOD2 est essentiel pour médier la dynamique de croissance améliorée par la bactérie. La courbe de croissance étant aplatie en sous-nutrition, avec cette approche, il y a une prise de poids et de taille améliorée dans la dynamique de croissance.

Les scientifiques travaillent sur des modèles de sous nutrition chronique altérant la dynamique de croissance. Après sevrage, les souriceaux sont soumis à une nutrition appauvrie en protéines, mais identique à la nutrition standard du point de vue calorique. Le constat est que les souriceaux grandissent moins bien. Quand ils sont traités avec LpWJL, il y a une amélioration de la croissance. Ce qui a été prouvé, c’est une meilleure prolifération de l’épithélium intestinal médié par reconnaissance de la molécule et l’activité du récepteur. Cependant, il s’agit de comprendre encore ce mécanisme de prolifération favorisé par la présence de la bactérie (hypothèse de travail). Le petit intestin des souriceaux serait plus apte à absorber les nutriments présents en faible quantité dans la nutrition reçue.

Le problème c’est qu’en sous nutrition chronique, la maturation de l’épithélium intestinal est altérée et qu’il est donc moins capable d’absorber les nutriments. La présence d’une bactérie bénéfique compenserait partiellement ce problème. Les chercheurs testent cette hypothèse d’un point de vue moléculaire et cellulaire chez l’insecte et la souris, dans le but de se projeter vers des programmes de renutrition des enfants souffrant de malnutrition, et dans l’optique également d’améliorer la sécurité alimentaire.

Modèles d'études - © Vincent Moncorgé

L’équipe de François Leulier est financée par la Fondation de la Recherche Médicale (labels en 2017 et 2021), pour développer des projets de recherche fondamentaux précliniques, mais aussi à visée potentielle biomédicale pour la santé humaine. L’équipe bénéficie également de financements ERC européens (label depuis 2012), de l’ANR, et du soutien de ses tutelles CNRS/ENS de Lyon.

L’équipe lyonnaise composée d’une dizaine de personne participe au développement d’un grand plateau de gnotobiologie (élevage de souris à flore contrôlée) à Lyon, au sein de la grande animalerie de souris PBES-UAR Bioscience sur le campus. L’objectif est de monter en puissance, notamment avec le modèle GM15.

Forte de ses atouts et compétences, l’équipe Physiologie intégrative des interactions hôte-microbes compte bien poursuivre ses travaux sur la connaissance des interactions entre nutrition et microbiote intestinal et croissance animale, en maintenant l’équilibre entre ses différentes approches : bactériologie, physiologie sur modèles invertébrés et physiologie sur modèles vertébrés. 

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Contact :

IGFL-ENS de Lyon

Equipe Physiologie intégrative des interactions hôte-microbes

http://igfl.ens-lyon.fr/