25 - 26 - 27 mars 2025
Porte de Versailles - Hall 4

A la rencontre de…Yves GAUDIN, directeur de recherche au sein de l’Institut de biologie intégrative de la cellule, spécialiste des virus !

PORTRAIT | par Solenne Denis de La Gazette du Laboratoire | Février 2023

Yves GAUDIN, directeur de recherche au CNRS, est spécialiste des virus et notamment du virus de la rage, à l’origine d’environ 60 000 morts par an. Nous sommes allés à sa rencontre au sein de l’Institut de biologie intégrative de la cellule (I2BC – Université Paris-Saclay, CEA, CNRS). Portrait !

Un objectif : la caractérisation des interactions entre les rhabdovirus et la cellule hôte

Yves GAUDIN est responsable de l’équipe « rhabdovirus » au sein du Département de virologie de l’I2BC. « Nos recherches sont très fondamentales ; elles visent la caractérisation des interactions entre les virus de cette famille et la cellule hôte, avec pour but à terme de contribuer au développement de nouveaux vaccins, de nouvelles stratégies antivirales ou encore de nouveaux outils exploitables dans les biotechnologies ».

« Notre équipe fondée en 2000 est aujourd’hui constituée d’un directeur de recherche au CNRS, de deux chargés de recherche au CNRS, d’une professeure de l’Université Paris-Saclay, de quatre étudiants en thèse, deux post-doctorants, deux ingénieures d’études au CNRS et une ingénieure d’études en CDD », ajoute M. GAUDIN.

Les travaux menés par le laboratoire s’organisent autour de deux grands axes de recherche, comptant chacun deux thématiques :

- Le premier axe porte sur les mécanismes moléculaires de l’entrée des rhabdovirus dans la cellule hôte. « Nous étudions d’abord la structure et les fonctions de la glycoprotéine des rhabdovirus, protéine clé dans l’entrée virale, et en particulier la façon dont elle interagit avec les récepteurs du virus, la membrane cellulaire et les anticorps qui neutralisent le virus », explique Yves GAUDIN. « L’autre thème est le développement d’outils dérivés de la glycoprotéine du virus de la stomatite vésiculaire à des fins de thérapies, ciblant spécifiquement un type cellulaire. »

- Le second axe se concentre sur l’usine virale du virus de la rage, avec d’une part l’analyse de la façon dont cette usine - qui possède des propriétés d’organites liquides - s’installe dans la cellule. Et, d’autre part, la caractérisation des interactions qu’elle établit avec les systèmes de défense de la cellule. Ce « signal d’alerte » envoyé par les cellules est un mécanisme complexe qui s’applique aussi à des virus comme le Coronavirus ou Ebola.

Yves GAUDIN, directeur de recherche au CNRS

L’usine virale et ses propriétés d’organites liquides : un changement de paradigme !

Les usines virales abritent les synthèses des ARN viraux (messagers, génomiques et antigénomiques). Au sein du cytoplasme de la cellule infectée, elles forment des inclusions cytoplasmiques sphériques pouvant atteindre quelques micromètres de diamètre. « Nous avons montré que ces usines virales, dépourvues de membrane, se forment par séparation de phase liquide dans le cytoplasme au sein duquel elles se comportent un peu comme des gouttelettes d’huile dans l’eau. Nous cherchons à identifier les interactions entre protéines, à l’origine de cette séparation de phase. Nous caractérisons le protéome des usines, c’est-à-dire que nous déterminons l’ensemble des protéines, qu’elles soient par ailleurs virales ou cellulaires, qui s’y concentrent. Nous étudions aussi comment les nucléocapsides virales quittent l’usine pour aller former de nouveaux virions. »

La démonstration du caractère liquide de l’usine virale a été depuis étendue à de nombreux autres virus de l’ordre des Mononegavirales tels que le virus de la rougeole, le virus respiratoire syncytial ou encore le virus Ebola... C’est un changement de paradigme dans le domaine de la réplication virale qui a incité les chercheurs à reconsidérer les interactions entre les usines virales et le système immunitaire inné de la cellule hôte.

Virologie moléculaire, cellulaire et structurale… et dynamique des structures sur cellules vivantes !

Yves GAUDIN et son équipe font appel aux outils de biologie moléculaire pour construire de nombreux mutants dont ils analysent le phénotype. Ils identifient les protéines cellulaires qui interagissent avec les protéines virales, en collaboration avec la plateforme de spectrométrie de masse de l’Institut Jacques Monod.

« Nous développons également des systèmes minimaux dans lesquels nous reconstituons des structures ayant les mêmes propriétés liquides que les usines virales hors du contexte de l’infection », souligne M. GAUDIN. Ces systèmes peuvent être cellulaires (les inclusions se forment lors de la co-expression de certaines protéines virales) ou acellulaires (les inclusions sont reconstituées à l’aide de protéines virales exprimées en système hétérologue et purifiées). Ces structures sont alors caractérisées par des approches de biophysique à l’aide de diverses spectroscopies de fluorescence.

« Enfin, nous exploitons beaucoup l’imagerie cellulaire : nous analysons la localisation des protéines virales ou cellulaires grâce à la microscopie confocale », ajoute-t-il. « Le microscope confocal à disque rotatif (Gataca systems) - que nous avons acquis grâce notamment au financement du Prix Bettencourt Coups d’élan pour la recherche française - permet l’acquisition de films sur cellules vivantes à une résolution spatiale élevée, avec une haute fréquence d’acquisition. Nous analysons ainsi la localisation des protéines virales ou cellulaires sur cellules vivantes, ce qui nous donne également accès à la dynamique des structures. L’installation du microscope confocal à disque rotatif est désormais finalisée « dans un laboratoire L2 dans lequel il est possible de travailler sur des agents pathogènes, notamment le virus de la rage », précise le chercheur. « Nous pouvons donc acquérir des films montrant le déroulement du cycle infectieux au sein de la cellule. »

Parmi ses autres équipements de pointe en imagerie, le laboratoire d’Yves GAUDIN compte également un microscope inversé à épifluorescence adapté aux cellules vivantes (AxioObserver epifluorescence microscope de Zeiss) et un système d’imagerie cellulaire (EVOS, Thermo Fisher Scientific). « Nous avons aussi dernièrement procédé au renouvellement de notre ancien cytomètre avec l’acquisition du nouveau CytoFLEX (Beckman Coulter) », ajoute Yves GAUDIN. « Nous utilisons par ailleurs pour la purification des virus une ultracentrifugeuse (Beckman) et sommes équipés de systèmes de purification de protéines (AKTA FPLC, Fast Protein Liquid Chromatograph). Enfin, nous bénéficions des autres équipements présents sur les plateformes de l’I2BC. »

Précisons que M. Yves GAUDIN est également directeur adjoint en charge de la recherche au sein de la Graduate School (GS) Life, Sciences and Health (LSH) de l’Université Paris-Saclay, et qu’il fait partie du groupe de travail Maladies infectieuses émergentes (MIE) de l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS).

____________________________

Pour en savoir plus :

Sur les usines virales

Nevers Q, Albertini AA, Lagaudrière-Gesbert C, Gaudin Y. Negri bodies and other virus membrane-less replication compartments. Biochim Biophys Acta Mol Cell Res. 2020 Dec;1867(12):118831. doi: 10.1016/j.bbamcr.2020.118831.

 

Sur l’entrée virale

Belot L, Albertini A, Gaudin Y. Structural and cellular biology of rhabdovirus entry. Adv Virus Res. 2019;104:147-183. doi: 10.1016/bs.aivir.2019.05.003.